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Sciences Po et l’égalité des chances

En 2001, Sciences Po lançait le dispositif des Conventions d’éducation prioritaire (CEP), une voie d’accès à la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume (Paris) ne concernant que les élèves de lycées relevant de l’éducation prioritaire. A l’origine de cette initiative, un constat : une absence de diversité sociale et culturelle au sein des grands établissements sélectifs français. La raison à cela est multiple : manque de moyens, déficit d’informations, autocensure, etc. Pour y remédier, Sciences Po a noué des partenariats avec plus de 100 lycées sur tout le territoire, qui organisent des ateliers pour préparer à l’examen d’entrée ; les élèves doivent rédiger un dossier de presse sur le sujet d’actualité de leur choix comprenant également une note de synthèse et une note de réflexion personnelle. Un jury composé de 3 à 5 personnes pré-selectionnent les candidats qui se présenteront ensuite à l’épreuve d’admission organisée par Sciences Po : un entretien d’une trentaine de minutes.

Le lycée Utrillo à Stains m’a proposé d’intégrer l’un de ces jurys. Dix candidats sont présents ; les dix qui ont tenu le cap depuis novembre. Une sélection naturelle s’opère au fil des mois car les élèves doivent en parallèle préparer le bac (et le réussir pour entrer à Sciences Po). En cette matinée grise de mars, le jury auquel je participe (composé du proviseur, d’une députée et d’un maire) doit auditionner cinq élèves. La plupart ont choisi des sujets internationaux : la guerre au Yemen, la crise sino-américaine, l’Iran dans les relations internationales. Une jeune fille a souhaité étudier les similitudes entre les gilets jaunes et le mouvement Cinq étoiles en Italie. Une dernière a traité des violences scolaires.

Nous les recevons un à un. Ils doivent d’abord se décrire en quelques mots puis présenter leur dossier. S’en suit un jeu de questions – réponses qui dure une vingtaine de minutes. Quelques points communs entre les profils se font jour : ils sont quasiment tous engagés dans des associations (danse indienne, art oratoire, défense de la cause animale…). La plupart ont également une idée précise de leur projet professionnel : procureur, juriste environnemental, entrepreneur… Ils sont tous stressés et parlent avec plus ou moins de facilité mais leur détermination à trouver leur place et leur utilité dans la société est palpable. Leur capacité d’argumentation, leur aisance à l’oral, leur curiosité pour le monde qui les entoure n’est pas de même niveau et c’est cela qui fera la différence. Sur les cinq candidats, nous en retiendrons trois. Il y a les pleurs de certains et les grands sourires des autres quand nous annonçons les résultats. De fait, intégrer Sciences Po leur permettra de tracer leur route professionnelle plus facilement (81% des élèves CEP sont en poste moins de trois mois après leur diplôme). Même si les chemins de traverse conviennent mieux à d’autres.

L’expérience fut en tout cas riche sur le plan intellectuel et humain. Emouvante aussi face au désarroi des recalés. Ils auront d’autres opportunités pour mener à bien leur projet professionnel, j’en suis convaincue. J’espère que ceux qui ont retenu notre attention iront au bout du processus et rejoindront les 1929 autres étudiants recrutés via cette procédure. Un super booster pour eux et une richesse pour la communauté Sciences Po !