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Lire ou ne pas lire

Il y a des longs moments de disette suivis de périodes d’appétit féroce. Il suffit en effet d’un livre que je n’arrive pas à finir, de l’absence d’inspiration, d’un conseil qui ne vient pas… et tout s’arrête. Impossible de lire une ligne. L’abstinence peut durer. Contrariante, elle paraît parfois insurmontable. Je me souviens d’un été où cinq livres furent commencés mais aucun ne fut fini. Pas le bon ouvrage au bon moment. Quand je suis dans ce mood-là, seule l’évidence peut m’en faire sortir ou le changement d’état. Je me souviens de Fabrice Luchini qui, dans une émission de télévision, avait déclaré : « Pour lire, il faut aller bien ». Est-ce une clé de lecture ? Je ne sais pas. L’été auquel je fais allusion, j’allais bien. Mais peut-être mon esprit était-il trop occupé par d’autres travaux – nous bouclions alors notre deuxième jeu, Héroïnes -, pour être en mesure d’accueillir des histoires venues d’ailleurs. De fait, ces moments de blocage recèlent toujours leur part de mystère. Comme si ma volonté seule ne suffisait pas à retrouver l’appétit. 

Et puis, le miracle, un jour, se produit. Ce sont parfois les recommandations d’une amie libraire. Ou un post sur les réseaux sociaux. Ou le mot d’un proche qui suscite l’envie. Une envie irrépressible qui génère en général un besoin d’achat immédiat. Quelle joie alors de retrouver ce plaisir unique et irremplaçable d’être captivée par un roman ! Après des semaines de famine littéraire, peuvent commencer des mois de boulimie. Dès qu’un livre est terminé, j’enchaîne avec un autre. Dans ma tête, le programme est fixé. J’alterne les genres et les époques, les valeurs sûres (dans mon panthéon personnel) et les découvertes. 

Bref, depuis le mois de janvier, je dévore des pages et des pages. La crise sanitaire qui s’étire n’est sans doute pas étrangère à cet appétit d’ogre. Je suis en manque d’ailleurs, d’inconnu, d’art… Les livres m’offrent tout cela sans bouger de chez moi, constatant que mon état actuel (le manque sus-évoqué, l’inquiétude, la sensation de vulnérabilité…) me rend particulièrement poreuse aux émotions ou aux questions qu’ils suscitent. Je pense notamment à « L’Inconnu de la poste » de Florence Aubenas ou « D’après une histoire vraie » de Delphine de Vigan. Le premier est le fruit d’une enquête au long cours sur un crime non élucidé, raconté comme un polar, le second une magnifique réflexion sur les rapports qu’entretiennent l’écriture et le réel. De quoi interpeller (le mot est faible) la journaliste/romancière que je suis !

Sur ma table de chevet trône depuis quelques jours un roman policier drôle et enlevé de Robert Pobi, « City of windows ». Hâte de le finir pour commencer Kérozène d’Adeline Dieudonné dont je recommande vivement le premier roman, « La vraie vie ». Si vous êtes bloqué, c’est peut-être le livre « déclic » !