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Mon grand-père, ce héros !

Nous sommes le 11 novembre, jour de commémoration de la fin de la Guerre de 14-18. Plus aucun Poilu n’est présent. Certains le sont dans nos mémoires. C’est le cas de mon grand-père, venu à Paris de son Algérie natale au début du siècle dernier pour faire polytechnique et qui fera la guerre. Dans des cartes postales qu’il écrivait à sa mère restée au pays ou à son frère, il raconte la vie dans les tranchées. Ma mère, qui a publié un livre sur son père en 2018*, en retranscrit des extraits que voici : « Ne t’en fais pas pour ton fils qui résiste malgré tout et espère. C’est une épreuve à supporter. Il faut le faire. Simplement, il n’y a qu’à faire son devoir et Dieu fera le reste. […]. Je mène depuis quelques jours la vie des tranchées, vie régulière au grand air, sans soucis. La température est agréable, la nourriture est bonne. […]. Nous sommes dans un village. Nous entendons les bombardements. Dans quelques jours, on va revoir notre vieille amie, la tranchée. Ne pense pas à moi. Je vais bien et j’ai toujours un vague espoir d’un bel avenir ». Nous sommes alors en 1915, Verdun n’est pas loin… Bataille qu’il ne mènera pas. La légende familiale dit que qu’il aurait demandé à sa famille de lui envoyer un colis de nourriture avariée. Plusieurs lettres de cette période sont envoyées de son lit d’hôpital. Il serait passé en Conseil de guerre, aurait risqué l’exécution mais aurait été gracié et renvoyé à l’arrière, en raison de ses témoignages sur l’antisémitisme au sein de l’Armée. 

Mon grand-père est donc revenu vivant de cette boucherie, cassé à jamais par cette folie meurtrière, mais avec une volonté de vivre chevillée au corps. Et il en faudra beaucoup pour survivre à l’autre catastrophe du XXe siècle, la Deuxième Guerre mondiale. 

Quand je nais à la fin des années 60, mes grands-parents ont changé de nom pour dissimuler leurs origines. Ils ont trimé toute leur vie, réussi à monter une affaire dans l’immobilier, une vie de labeur, sans beaucoup de plaisir. J’ai du reste peu de relations avec mon grand-père, enfermé en lui-même. J’en aurai beaucoup avec ma grand-mère, un des piliers de ma vie. Mais aujourd’hui, c’est à ce petit bonhomme, mort en 1992 à l’âge de 98 ans, que je veux rendre hommage. Il n’y a plus de Poilus, mais leurs héritiers sont là. Et au-delà des souvenirs, des photos, de certains objets que je garde précieusement… d’autres formes de transmission sont toujours à l’œuvre aujourd’hui, un certain rapport à la vie et une volonté chevillée au corps de la réussir.