Confinement, saison 2
Le confinement sera levé dans quelques jours pour laisser place au couvre-feu. Un confinement moins strict que le premier et paradoxalement plus difficile à vivre. Comme une vie « normale » où nombre de plaisirs nous sont interdits. En mars, le confinement était une expérience. En novembre, il devient notre quotidien. Outre les dégâts immenses que cette pandémie cause aux personnes les plus fragiles, aux professionnels des secteurs les plus touchés, quelque chose d’insidieux s’installe. Je suis une des privilégiées de cette terre et l’année 2020 aura été pour moi une réussite à plein d’égards. Pour autant, je me demande aujourd’hui quel impact profond cette rupture de la normalité aura sur mes rapports aux autres, sur mon appréhension du « dehors » tant le maillage du cocon s’est resserré, sur ma vision de la vie.
L’autre jour, j’ai passé un après-midi à Lille pour un reportage sur la fracture numérique. J’ai pris le métro, le train, interviewé une dizaine de personnes, pris des notes, observé… Rien de très exceptionnel pour une journaliste. Je suis rentrée épuisée. Autant d’interactions me demande aujourd’hui un effort que je n’avais pas à produire auparavant. Comme si quitter le nid et sortir de soi étaient devenus plus difficile. Hors du ronron rassurant de la vie confinée, point de salut ? « J’ai l’impression d’avoir pris un coup de vieux ces derniers mois », me disait un membre de ma famille il y a quelques jours. Je partage cette impression, sans en mesurer précisément l’ampleur. Surtout en cette fin d’année où la lumière au bout du tunnel se fait attendre, où se projeter dans une salle de cinéma ou à une table de restaurant devient irraisonnable si l’on ne veut pas générer trop de frustration. Reste que Paris sans ses cafés, ce n’est plus Paris et c’est infiniment triste.
Alors, que faire ? Prendre ses responsabilités et son mal en patience, veiller les uns sur les autres comme on peut, même à distance, rêver de jours meilleurs sans se bercer d’illusions : il y aura un avant et un après. Qu’aurons-nous appris individuellement et collectivement de tout ça ? Que changerons-nous dans nos modes de vie ? Qui serons-nous devenus ? Des questions aux réponses vertigineuses, comme l’époque.