MENU FERMER

Journal « Nous, jeunes » : clap de fin (pour moi) !

En 2015, nous lancions avec Henry Dougier, fondateur des éditions Autrement et des ateliers henry dougier, un projet de journal participatif. L’idée lui est venue suite aux attentats de novembre 2015 et au constat qu’un écart ne cessait de se creuser entre différentes franges de la population. Les jeunes de banlieue sont alors particulièrement stigmatisés. Comment créer des passerelles, rétablir la communication ?

Nous décidons alors de tendre le micro à cette jeunesse et d’écouter ce qu’elle a à nous dire, sans idées préconçues, sans censure et sans filtre. Aller à sa rencontre, lui proposer des modes d’expression, l’accompagner dans sa prise de parole et rendre possible la diffusion de ses messages… Nous créerons donc un journal de proximité participatif réalisé pendant des ateliers d’écriture et diffusé gratuitement hors librairie. L’objet en question prendra la forme d’un journal de 16 pages – appelé « Nous jeunes » – qui se déplie comme une carte. La publication papier apporte une temporalité intéressante, devient objet de mémoire et valorise la parole des jeunes.

Pour mener le journal à bien, nous avons besoin de constituer une équipe de professionnels-les de l’image et de l’information et de trouver des partenaires locaux sur qui s’appuyer pour constituer un groupe de volontaires, les motiver, accueillir les réunions… Le premier sera la mission locale de Corbeil-Essonnes (91) suivi de l’association APCIS de Stains (93), du centre socio-culturel du Neuhof à Strasbourg (67), etc. 

Douze « Nous jeunes des quartiers » ont vu le jour depuis 2015. Le tout dernier, sorti en décembre 2022, a été réalisé avec le service jeunesse de la ville de Saint-Ouen (93). À chaque fois, les jeunes impliqués ont eu à cœur de traduire en mots (via des articles journalistiques ou des textes personnels) et en images leur vécu au quotidien dans ces quartiers, partageant leurs joies, leur souffrance, leurs espoirs, leurs préoccupations aussi d’une jeunesse comme les autres. Notre objectif s’est alors avéré correspondre à leur réalité : lutter contre les préjugés, des jeunes par rapport à eux-mêmes car ils sont nombreux à ne pas se sentir capables de s’exprimer ; des jeunes par rapport aux institutions jugées sourdes à leur revendication ; des jeunes par rapport aux médias mais aussi de la société plus généralement par rapport aux jeunes des quartiers. 

Outre la coordination de cette collection, j’ai eu la chance de piloter 5 des 12 « Nous jeunes ». Certains ont été simples à réaliser, d’autres plus compliqués, question de motivation, d’accompagnement, de tempérament… Mais à chaque fois, il y a eu des moments rares, des échanges forts et des pépites en termes d’écrits ou d’images… Si je devais ne retenir qu’un texte, ce serait celui-ci (voir ci-dessous) parce qu’il dit de façon magnifique toute l’ambivalence des jeunes des quartiers…

Le zoo*
 
On l’aime sans l’aimer
La cité nous empêche de sortir
C’est là où on a commencé toutes nos bêtises
On est tous unis malgré les différends
Elle nous a appris à vivre dans la violence
La plupart se sentent protéger ici
Le zoo, c’est une malédiction et une cage
On est enfermé à l’intérieur de nous-mêmes
J.D.
 
*Surnom des Tarterêts, un quartier de Corbeil-Essonnes

Après les « Nous jeunes », nous avons développé la collection dans de nombreuses directions : les migrants, les adolescents fréquentant des maisons des adolescents, les élèves de lycées professionnels, les jeunes placés, les anciens, les femmes, etc. La « formule » a fonctionné à chaque fois comme si l’écriture cassait les postures et permettait un accès direct au cœur et aux tripes. J’ai une pensée particulière pour les femmes d’Épinay avec qui j’ai réalisé le seul « Nous femmes des quartiers ». Le concept aurait mérité d’être développé tant elles ont des choses à dire !

Cette belle aventure prend fin… pour moi. D’autres projets m’appellent ailleurs. Rien ne dit que de nouveaux opus ne verront pas le jour. Aux ateliers henry dougier d’en décider. Pour ma part, je tourne cette page avec dans ma besace de beaux souvenirs et beaucoup de mercis : à Henry, d’abord, de m’avoir confié la direction de cette collection, à son équipe, aux financeurs, aux journalistes, maquettistes, correctrices, aux partenaires, aux rédacteurs et rédactrices en herbe qui nous ont très souvent gratifiés de commentaires touchants suite à cette expérience. « Je ne pensais pas être capable d’écrire et y prendre autant de plaisir », m’a dit une jeune fille un jour. Mission accomplie !

Pour en savoir plus : http://ateliershenrydougier.com/nous_jeunes.html