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On ne nait pas féministe, on le devient !

Je suis née en 1969, un an avant le mouvement de libération des femmes. Ma mère va s’y impliquer avec passion, se battant pour des droits et découvrant, comme elle le confie elle-même, la sororité, le plaisir de n’être qu’entre femmes. Des amitiés fortes aussi vont naître à l’ombre de ce mouvement, qui finira par s’éteindre. J’ai vécu tout cela du haut de mes 3 – 4 ans, participant aux manifestations, chantant l’hymne des femmes, criant « Oui papa, oui chéri, oui patron, y’en a marre ! ». J’ai des vagues souvenirs de tout cela, de la joie qui émanait des manifestantes, des réunions à la maison. Il paraît même que j’ai sauté sur les genoux de Simone de Beauvoir ! 

Je l’ai vécu, mais qu’est-ce que j’en ai retenu ? Quand je commence à devenir une femme dans les années 80, le mot « féminisme » n’a plus la cote. On l’associe à de l’hystérie et à un combat qui ne mérite plus d’être mené vu que le droit à l’avortement a été acquis et qu’on peut disposer de nos corps comme on le souhaite. Nos mamans ont fait le boulot ; pourquoi continuer le combat ? Je me souviens pourtant de discussions avec ma mère qui me donne une lecture sexiste de certaines attitudes masculines quand je commence à bosser. Ce n’est à l’époque jamais la mienne même si j’ai en tête la chronologie des droits acquis par et pour les femmes après la guerre et la lucidité de me dire qu’on sort à peine du Moyen-âge. Mais, de ma fenêtre, je n’ai aucune entrave et je jouis de la vie comme bon me semble.

Je fais mon trou en tant que journaliste. J’ai de fait peu souffert de discriminations sur un plan professionnel. Dans mes rapports personnels, c’est une autre histoire. J’ai croisé des machos, je ne les ai pas identifiés comme tels. J’ai laissé dire, j’ai laissé faire. Et puis, peu à peu le mot « féminisme » est revenu à la mode. Les nouvelles générations ont réinventé le terme, ont remis au goût du jour des combats non menés ou loin d’être gagnés ; elles ont aussi inventé de nouvelles formes d’activisme. N’étant pas militante dans l’âme, je ne me suis jamais engagée, me contentant d’observer de loin l’émergence du féminisme du XXIe siècle. 

Et pourtant, je peux affirmer aujourd’hui que ma mère m’a transmis l’essentiel de la philosophie de son combat : la liberté. J’en ai fait la ligne directrice de ma vie. Et si je reprends le slogan scandé dans les manifs au début des années 70, je dirai que je n’ai jamais eu de patron et que mon chéri est sans doute plus féministe que moi. Quant à mon papa, je ne lui ai jamais vraiment dit « non » quand il me tenait des propos teintés de machisme, lui qui a toujours encouragé ma mère dans sa révolte contre le patriarcat… Nous avons tous nos paradoxes. 

Et puis, mon engagement passe par d’autres biais, en co-créant un jeu dédié aux femmes, Héroïnes, ma façon de rendre hommage à toutes celles qui ont ouvert des portes, dans lesquelles j’ai pu m’engouffrer sans avoir à combattre. Mon troisième polar (non édité à ce jour), Le Mâle est fait, est aussi une réflexion sur les rapports entre les femmes et les hommes et les dictats (physiques notamment) que les premiers imposent aux secondes et/ou que les femmes s’imposent à elles-mêmes. Le livre porte aussi sur la façon de s’en libérer.

Bref, transmission il y a eu. Et je remercie aujourd’hui ma mère pour ce combat mené. J’étais féministe sans le savoir. Aujourd’hui, je le suis, comme une évidence…