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Je m’appelle Choubaka…

Je m’appelle Choubaka et je vais avoir 12 ans le 25 mars. Je suis né d’un père Main coon et d’une mère qui l’était à moitié. De lui je n’ai aucun souvenir. En revanche, j’ai des images nettes de ma maman, une belle chatte noire répondant au nom de Chanel, et de mes trois frères et sœurs. J’étais le plus hirsute des quatre. Et le plus apprécié de la fratrie par les premiers humains qui se sont occupés de moi.

J’ai passé les deux premiers mois de mon existence dans un magnifique domaine, situé dans l’Oise. Il y avait une belle demeure, une dépendance où vivait la fille de la famille – et ma maîtresse -, un moulin, des chevaux et des chiens… Un jour, je devais avoir un mois et demi, on a reçu la visite de deux dames. L’une d’elles m’avait repéré sur Internet et voulait m’offrir à son amie pour son anniversaire. Celle-ci s’est du reste beaucoup intéressée à moi. Elle a même dit : « Nelson et moi, c’est pour la vie ». J’ai compris le sens de cette phrase peu de temps après. Car, quinze jours plus tard, j’ai fait un long voyage en voiture puis en métro pour me retrouver dans un appartement parisien, à Montmartre exactement. A ce moment-là, j’avais changé de nom. Je m’appelais Pépito. C’est même ce qui a été inscrit sur mon carnet de santé. Mais, ça n’avait pas l’air de satisfaire pleinement ma nouvelle maîtresse. Il a fallu que je pousse quelques cris dont j’ai le secret pour qu’elle ait une illumination : ce sera Choubaka. 

J’ai grandi. Ma robe noire est devenue vraiment belle. Au soleil, j’ai quelques reflets auburn. Et puis, selon ma maîtresse, j’ai de très beaux yeux verts. Elle me le dit souvent et j’ai fini par la croire.

J’ai passé plusieurs années dans cet appartement, doté d’un balcon. Un super poste d’observation. Je suis un peu commère sur les bords. Je me suis pas mal baladé de gouttière en gouttière. J’ai fait la connaissance de mon voisin, Grimoire, un super chat. J’en ai chassé d’autres, beaucoup moins sympathiques. De temps en temps, mon humaine m’emmenait chez ses parents quand elle partait en vacances. J’y ait fait la connaissance de Mishoug, un chat un peu caractériel, mais que j’ai su amadouer. Ce furent des années heureuses. Il faut dire que j’aime beaucoup ma maîtresse et qu’elle me le rend bien. 

Et puis, un jour, on m’a transporté dans une maison avec d’autres chats, plein d’humains et un jardin. Au début, je ne restais pas longtemps. Mais, il y a deux ans, c’est là qu’on a élu domicile. Au même moment, un gros chien a pris possession du rez-de-chaussée. Je ne le croise jamais, il me fait une peur bleue. Une nouvelle vie a commencé. J’aime bien parfois faire des bisous à Loola, Melba ou Oko. Mais parfois aussi, on s’embrouille. J’adore ma tranquillité et je suis plutôt un solitaire. Il parait que j’ai mon petit caractère. En tout cas, je suis le seul de ma communauté à avoir un double littéraire. Mon humaine écrit des livres et dans l’un d’eux, son héros a un chat, qui s’appelle Han Solo, et qui me ressemble comme deux gouttes d’eau. Cerise sur la croquette, je serai dessiné sur la couverture. J’ai hâte de voir ça. Le livre sort dans un an et j’espère que je serai toujours de ce monde. Dernièrement, j’ai eu un petit souci de santé. Un problème au dos qui m’a beaucoup handicapé. On m’a emmené voir le vétérinaire, qui a pris un air bizarre quand elle m’a vu. Ce qu’elle a dit à ce moment-là n’a pas du tout plu à ma maîtresse. J’ai cru entendre le mot « euthanasie ». À voir sa tête, toute pâle, j’ai été me planquer sous le bureau. 

Mais apparemment, après quelques palabres et quelques piqures, on m’a laissé une chance. De toutes façons, il était hors de question de repartir sans moi. De fait, je tiens à la vie, je mange, je bois, je me lave… Depuis, je vais beaucoup mieux. Je marche normalement, je peux monter à nouveau sur des lits, des poufs et autres divans, je me prélasse au soleil… Bon, je dois avaler un médoc tous les jours, mais vu le résultat, ça vaut le coup. Quand la mort s’approchera de près, je le saurai, les chats savent ce genre de choses. Mais ce moment-là n’est pas encore arrivé. En attendant, je savoure les plaisirs de l’existence. J’aime, par exemple, me blottir contre ma maitresse au petit matin. Parce qu’avec elle, c’est vraiment pour la vie !