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Des pinceaux pour stylos

Il y a plus de dix ans, j’ai franchi pour la première fois la porte d’un atelier de modelage et très rapidement j’ai aimé donner vie à des personnages de terre. L’idée m’était venue dans le cabinet d’une sophrologue que je fréquentais. Dans un coin de la pièce, se trouvaient une tablette, des outils et l’ébauche d’une sculpture. Ce fut comme un déclic. Je me suis vu les mains dans la glaise, retrouvant ce désir enfantin de créer des formes avec de la pâte à modeler. J’ai rapidement trouvé le lieu idéal pour donner cours à cette envie de développer un autre mode d’expression que l’écriture, moins cérébral, plus instinctif, plus artistique aussi. Je me souviens avec émotion de la première « sculpture », un masque, de la deuxième, un chat, et surtout de celle qui un jour m’a fait prendre conscience des volumes. C’est ce qu’il y a de magique avec la terre. En appuyant au bon endroit avec ses doigts un visage soudain commence à apparaître ou la forme d’un sein. Rosemonde – c’est le nom de la sculpture – fut ma première « œuvre », le reflet d’un ressenti, le médium pour dévoiler, presque à mon insu, une part de mon inconscient. Le fait est que Rosemonde a suscité des interprétations, des réflexions… l’encouragement à poursuivre. 

J’ai pratiqué de nombreuses activités dans ma vie – théâtre, photo, danse… -, seule la sculpture m’a tenu en haleine aussi longtemps. J’ai aimé chercher des sources d’inspiration, et m’en échapper, sculpter pour offrir, progresser… Et puis la vie a fait que je me suis éloignée géographiquement de l’atelier où je pratiquais le modelage. J’ai aussi été happée par d’autres aventures, humaines, ludiques, éditoriales. Sauf que rien ne remplace ce plaisir particulier qu’est le travail de la terre… J’y reviendrai peut-être un jour. En attendant, une autre activité a commencé à me titiller : la peinture. Je ne sais absolument pas dessiner et longtemps j’ai considéré que prendre un pinceau se traduirait par une incapacité à reproduire quoi que ce soit d’intéressant. Mais peu à peu, une question s’est imposée : et si je me retrouvais face à une toile vierge, qu’est ce qui s’exprimerait ? Il se trouve, par ailleurs, que mon compagnon a de l’or dans les doigts ; plusieurs fois, il a reçu en cadeau – de ma part et de celle de ses enfants – de la peinture et des toiles, une façon de l’encourager à s’y remettre. Ce qu’il a fini par faire. Pour mon dernier anniversaire, il m’a offert un très beau tableau représentant mon chat et m’a proposé un dimanche de peindre ensemble. C’était il y a dix jours. J’ai donc peint pour la première fois, prenant plaisir à choisir des couleurs, à travailler la matière, à utiliser mes doigts et des pinceaux de taille différente, à laisser libre cours à mon imagination… Le résultat n’est pas satisfaisant du tout. Mais peu importe. Le moment fut très agréable, d’une incroyable sérénité. 

Il me tarde aujourd’hui de reprendre ce fil là où je l’ai laissé. Comme si j’avais entraperçu des possibles et que j’étais curieuse de voir où ce nouveau chemin créatif allait me mener, malgré mon absence totale de technique. Avant de poursuivre mon travail de correction du polar numéro 3 – auquel je vais consacrer mes vacances -, je troque mon stylo pour des pinceaux. Heureuse à l’idée de remplir ma palette, de mélanger les couleurs, de salir mes doigts… Comme quand j’étais enfant !