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Il est beau, il est beau mon livre

Quand j’étais enfant, mon occupation favorite avec ma grand-mère, c’était de jouer à la vendeuse. Pour ce faire, je préparais un étalage de fruits et légumes en plastique, j’y ajoutais des petits paniers et une vague imitation de caisse enregistreuse. En revanche, l’argent était lui bien réel (pas folle la guêpe !). Ma mamie se prêtait volontiers au jeu… Et je garde de ces moments un souvenir précis et heureux.

Plus tard, quand mon avenir professionnel a commencé à poser question, il était évident que je ne serai jamais une « commerciale ». Rien que le mot provoquait un léger rictus, comme si ce métier était purement et simplement à l’opposé de tout ce que j’étais et souhaitais devenir. A l’âge de 13 ans, j’ai ainsi décidé que je serai journaliste. Un métier intellectuel, où l’écrit tient une grande place… De quoi ne pas « cliver » avec mes origines sociales, mes deux parents étant professeurs d’université, l’un en histoire, l’autre en droit, et auteurs de plusieurs livres. Ce métier, encore aujourd’hui, me colle à la peau. Et quand j’imagine le quitter pour de nouvelles aventures, il se rappelle à moi et aux services qu’il me rend. Grâce à lui, je sors de moi-même et de mon espace mental, je rencontre des univers, je croise des destins et des vies, que je n’aurais certainement pas croisés sans ce métier. Bref, je m’oublie, un exercice salutaire qui devrait être remboursé par la sécurité sociale !

Le journalisme m’est donc indispensable sur le plan psychologique et intellectuel. Mais… mais, il y a quelques années, j’ai commencé à créer des jeux de société puis à écrire des romans policiers. Je ne savais pas que ces deux occupations allaient me propulser dans le monde sans pitié de la vente ! Alors, soyons précis, quand je dis « vente », je suis loin du VRP qui parcourt la France un imperméable sur le dos, un air triste et une valise à la main pour fourguer des objets divers et variés (image sans doute surannée). Non ! Je parle ici de « tenir un stand » au milieu d’autres personnes qui au même moment au même endroit poursuivent exactement le même objectif : vendre. 

Il se trouve que les deux derniers week-ends, j’ai été dans cette position dans trois lieux différents : au We Too festival et au marché du jeu engagé, j’ai présenté le jeu « Héroïnes » et à Lisle noir, le jeu « L’incroyable histoire du vin » et mes deux polars, Le Chat qui ne pouvait pas tourner et Le Mâle est fait (les Arènes). Et j’avoue apprécier de plus en plus l’exercice (c’est chouette de renouer avec son enfance !). Le commercial en moi a donc fini par s’imposer… Et je n’ai plus de rictus sur le visage quand je prononce ce mot. A ce stade de mon petit article, je me dois de rendre hommage à une grande partie de ma famille, qui a embrassé la carrière du commerce (bijoutier, agent immobilier, entrepreneur dans le linge de maison)… Je devais avoir des gênes en sommeil qui tout à coup se sont réveillées (pas sûre que ce soit possible, mais j’aime bien l’idée !).

Bien sûr… il ne s’agit pas de dire ici que « vendre » ce que l’on a soi-même imaginé, écrit, produit est chose aisée, loin de là. Mais, échanger avec des festivalier.es, trouver les arguments pour convaincre, être satisfait par un « vous le vendez bien », guetter le moment où la personne va dire « je le prends », c’est juste kiffant. Ce qui l’est moins, c’est les autres (un grand classique !) : celles et ceux qui passent sans te voir, celles et ceux qui disent « je fais un tour », celles et ceux qui, un jeu ou un livre à la main, te disent « désolé, j’ai préféré celui-là », etc. Et puis, il y a la comparaison avec tes voisins de stand et son corolaire, le doute. Serais-je trop ceci, pas assez cela ? Bref, c’est grisant, épuisant… et, surtout, c’est une merveilleuse école de la modestie. Alors, pour tout ça, merci mamie et merci la vie !